Retour sur... l'affaire Santos Mirasierra
Santos Mirasierra, capo des Ultras marseillais, a vécu un calvaire pendant plus de deux mois. Aujourd'hui en liberté, il attend son procès en appel, qui devrait se tenir courant janvier, en Espagne. France 3 Méditerranée diffuse samedi 20 décembre à 16h45 un documentaire de 52', produit par Treize au Sud, qui retrace le déroulement de cette affaire de l'intérieur. L'occasion pour moi de revenir sur les faits, en expliquer les causes, et les conséquences.
Des
blessés et une arrestation pour une simple banderole
Mardi
1er octobre. L'OM se rend à Madrid, au stade Vicente Calderon, pour
le compte de la 2e journée de Ligue des Champions. La rencontre les
oppose à l'Atlético. Avant le début de la rencontre, des incidents
ont lieu entre supporters marseillais et forces de l'ordre
espagnoles. À l'origine, une banderole. Une simple banderole, qui
porte une tête de mort comme la photo ci-dessous.
La tête de mort
en question est l'emblème du Commando Ultra 84, et
a fait le tour de l'Europe – y compris en Espagne – depuis plus
de 20 ans. Mais voilà, pour la Guardia Civil, cette
banderole est un appel au racisme, malgré son autorisation par la
Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme (Licra) et
l'UEFA. Les policiers madrilènes demandent de la retirer, ce que les
supporters marseillais tentent de faire. Ils n'en ont pas le temps,
que déjà la Guardia Civil charge
dans le tas. Les coups de matraque pleuvent. Les Marseillais
ripostent en leur jetant des chaises. Les incidents durent plusieurs
minutes (voir la vidéo plus bas).
Ce n'est qu'avec l'arrivée du staff de l'OM que tout rentre dans
l'ordre... Enfin presque.
La
rencontre a lieu, l'OM s'incline 2 buts à 1. Tout le monde pense en
rester là, sauf la police madrilène qui décide de ne pas se
laisser faire. À la sortie des supporters olympiens et leur
reconduite dans les cars, elle ressort les matraques. L'objectif :
retrouver et arrêter Santos.
La
solidarité entre supporters se met en place
Dès
l'arrestation de Santos, les Ultras publient un communiqué sur leur
site. Santos est en détention préventive pour « violences
contre les forces de l'ordre » et
« trouble de l'ordre public ». Un
policier madrilène aurait identifié le capo des Ultras comme
l'auteur d'un jet de chaise envers un de ses collègues. Santos, lui,
clame son innocence. La mobilisation prend place à Marseille, où
les premières banderoles clamant la liberté de « Santi »
sont déployées au Vélodrome. Les jours passent, Santos est
toujours incarcéré à Madrid. La nouvelle reste cependant assez
confidentielle. Il n'y a qu'à Marseille et dans certains stades
d'Europe (Belgique, Grèce, Espagne) qu'on parle de l'affaire Santos.
Seuls les média locaux (La Provence, LCM et France 3) s'en
emparent. C'est surtout sur le net que la mobilisation se
cristallise: sites, blogs, messages de soutiens divers et ventes aux
enchères dont les profits aideront à payer les frais d'avocats. Les
Ultras appellent à un envoi massif de lettres pour que Santos ne se
sente pas seul en cellule.
Côté
espagnol, c'est la satisfaction
À
l'image des média français, les politiques restent discrets,
notamment le secrétaire d'Etat Bernard Laporte. De l'autre côté
des Pyrénées, en revanche, on met le paquet. Engluée dans des
affaires de racisme dans les stades, l'arrestation de Santos est une
aubaine. Dès les premiers jours de sa détention, la justice le
présente comme un hooligan, et
n'hésite pas à se satisfaire de sa condition, qui signe une franche
victoire contre la violence dans les stades. Les média espagnols y
vont aussi bon train, Marca et
As notamment, avec des
propos plus que provocateurs envers la France et surtout Marseille.
Les Ultras y sont décrits comme les supporters « les
plus violents en Europe. » El Mundo Deportivo titre
en Une : « Marseille, une ville sans loi ».
Une
enquête qui dure et un procès qui peine à venir
Malgré
de nombreux documents et témoignages fournis, en partie par Canal
Plus Espagne, l'enquête
met du temps à être bouclée. La faute à des témoins espagnols
qui se contredisent. Le policier qui avait identifié Santos comme le
lanceur de siège sur un de ses collègues assure que celui-ci était
rouge. Or les vidéos montrent qu'une chaise a bien été envoyée
sur un policier, mais elle est blanche. Et surtout, à aucun
moment, on y voit Santos la lancer. Malgré tout, cela n'arrête pas
la justice espagnole. Le 6 novembre, soit plus d'un mois après
l'arrestation de Santos, le procureur espagnol requiert huit ans de
prison ferme pour « trouble
de l'ordre public » et
« attentat contre l'autorité publique »
(chacune des peines est passible de 4 ans ferme). La nouvelle est
difficilement accueillie par l'entourage du supporter, mais le procès
n'a pas encore eu lieu.
La
sanction tombe : trois ans et demi ferme
Mercredi
3 décembre. Durant toute la journée, le procès de Santos a lieu.
Il se présente, menottes aux poings et en survêtement de l'OM. De
nombreux témoins viennent témoigner. À la fin de la journée, la
parole est donné à l'accusé. Plein d'émotion, il déclare, en
espagnol : « Je
suis innocent. Depuis 20 ans j’ai suivi l’OM partout, c’est
toute ma vie je ne peux pas vivre sans ça. Tout mon temps, mon
argent, mes vacances, je les consacre pour suivre l’équipe aux
quatre coins de l’Europe. J’ai toujours lutté contre toutes
formes de violence et de racisme. C’est vrai que je suis un Ultra,
mais je ne suis ni un hooligan ni un criminel. »
L'avocat
général, malgré l'absence de preuves matérielles, maintient
l'accusation : « troubles à l'ordre public »
et « violences en réunion envers l'autorité ayant
entraîné des blessures » et
requiert huit ans de prison ferme. Vendredi 5 décembre, le verdict
tombe. Santos écope de trois ans er demi de prison ferme. Une
sanction lourde, disproportionnée au vu de l'absence de preuves
tangibles. Le juge reconnaît
lui-même, ne pas être en mesure de le prouver. Il fait valoir la jurisprudence qui
« permet d'attribuer le résultat d'un acte à tous
ceux qui sont intervenus pour le commettre ». Autrement
dit, Santos n'est pas coupable, mais est tout de même condamné...
Incompréhension
en France
Les
avocats, la famille, les dirigeants de l'OM ainsi que l'ensemble des
supporteurs, sont sous le choc après cette décision. Me Collard,
avocat de la famille Santos, a déploré le « caractère
déraisonnable » et la «
sévérité inouïe » de cette
décision, dans une déclaration à l'AFP. Pape Diouf, président de
l'OM, « Je ne pensais pas qu’une telle injustice soit
possible dans une capitale européenne comme Madrid. C’est
insupportable et effrayant. »
L'avocat de Santos en Espagne, Me Ibarrondo-Merino, est lui aussi,
abasourdi : « c'est hallucinant, ils
reconnaissent qu'il n'a pas lancé de siège, ce qui était tout de
même la raison pour laquelle il était en prison préventive. »
Liberté
sous caution et match sous haute-tension
Dans
la foulée, l'ensemble des supporters se met d'accord pour que la
réception de l'Atlético ne tourne pas à la catastrophe. Mais
beaucoup craignent d'éventuels débordements isolés. Les Ultras,
appellent au boycott de la rencontre et préfèrent se mobiliser en
dehors du stade. La décision sera annulée lorsqu'on apprend que
Santos obtient la liberté sous caution (6000 euros) le 8 décembre, après 70 jours de détention en Espagne.
Finalement, le match se déroule sans accrocs, les deux équipes se
quittent sur un score nul et vierge. La joie se lit sur tous les
visages, mais la lutte n'est pas terminée. Santos est toujours
condamné à une peine de trois ans et demi de prison, dans l'attente
de son procès en appel. L'affaire n'est pas encore terminée.
PS : voici un reportage diffusé sur L'EquipeTV sur Santos, produit par Treize au Sud.
Sources : La Provence, OM.net, L'Equipe.fr